Notre questionnement de départ

Où, quand, comment, par qui et à qui l’Évangile sera-t-il annoncé en 2033 en Belgique francophone, spécialement aux générations nées au 21e siècle ?

Voilà des questions, simples, que se posent maints baptisés appelés à la mission et qui interrogent les théologiens. 

Des échanges informels ont débouché sur des rencontres dont la fraternité est devenue la boussole. Le souci de partager nos préoccupations et réflexions avec d’autres débouche aujourd’hui sur la présentation de qui nous sommes et de nos objectifs. 

Nous formons une cellule de réflexion œcuménique, composée de théologiens au background le plus souvent pluridisciplinaire, acteurs de « terrain » dans la vie ecclésiale, mais aussi aux attentes de nos contemporains de toutes convictions en Belgique francophone. 

Nous souhaitons susciter un espace de dialogue et de réflexion, libre et créatif. Notre spécificité est de nous vouloir complémentaires mais différents de deux autres « rôles ». Celui de la théologie « académique », ingrédient nécessaire de la vie de l’Église et du monde, d’une part, et celui de la « hiérarchie », nécessaire pour organiser la mission, notamment pratique, de l’Église au quotidien.      

Œuvre d’art géométrique abstraite blanche de Dresde, Allemagne

Point 1 : Quel accueil du tout-venant en un lieu ? 

L’annonce de l’Évangile passe par des lieux, par une présence bien concrète sur le terrain, dans des lieux habités par une espérance vivante. Le covid a bien montré l’insuffisance et l’artificialité du distanciel et du virtuel. L’Église offre des lieux qui parlent aux familles à travers leurs histoires. 

La qualité de l’accueil est primordiale. C’est l’affaire de tout le monde. Dans les entreprises, il arrive que le haut management consacre une part de son temps à (re)faire l’expérience de la première ligne. C’est transposable…

Point 2 : Les rites de passage, occasion de redécouvrir sa tradition spirituelle ?

La catéchèse classique touche une part décroissante de la population.  Les demandeurs de rites de passage l’ont généralement largement oubliée Si beaucoup de demandes ont vocation à rester ponctuelles, d’autres cherchent un approfondissement voire une formation, organisées idéalement au sein d’une paroisse vivant les différentes dimensions de la vie chrétienne.  C’est vrai pour des recommençants mais, dans une société où les « sans religion » sont toujours plus nombreux, il est aussi chez des personnes jamais encore informées sur la foi, une aspiration à connaitre, se former, chercher des références « solides », un créneau où des laïcs formés seraient vecteurs de liens entre leur vécu qu’ils partagent et les aspirations qui s’expriment.

Point 3 : La place de la spiritualité dans les espaces d’enseignement et d’éducation : à repenser radicalement ?

 

Tant dans l’enseignement dit catholique que dans les autres réseaux, la place des religions pose question et met mal à l’aise. Il nous semble qu’il faut appréhender la question de la spiritualité à partir des défis de demain, comme une dimension incontournable et nécessaire d’une formation humaniste intégrale. N’a-t-on pas trop privilégié une approche dérivée du passé, avec une logique de maintien, de préservation de ce qui pouvait être sauvé, plutôt que de mettre de l’énergie dans la créativité et l’innovation ?  

Point 4 :  Comment honorer aujourd’hui la référence chrétienne explicite ou implicite des services institutionnels et associatifs à la société ?   

La problématique évoquée au point précédent peut se décliner largement dans des pans entiers de ce que l’Église a développé dans sa dimension diaconale.  Plutôt que de vivre dans le grand écart entre ce qui est proclamé et ce qui est vécu, une mise à plat de chaque projet semble nécessaire pour formuler dans un contexte sociétal qui se transforme de plus en plus rapidement ce qui est proposé de spécifique ?

Point 5 : Quelle « diaconie » demain ? 

Historiquement, les Églises ont appliqué le principe de subsidiarité : pallier les « manques » en éducation, en soins médicaux, en développement des peuples, en défense du monde ouvrier ou des patients, ….

Quels sont les besoins « nouveaux » qui devraient interpeller les chrétiens aujourd’hui. Et comment, avec qui, …. y répondre ?  Et surtout, avec quel supplément de sens par rapport à ce que les initiatives publiques peuvent donner ? La diaconie, n’est-ce pas aussi un rôle de vigilance par rapport à des dérives nouvelles de notre société ? 

Point 6 : Le patrimoine religieux, un bien commun au service du bien commun ? 

Notre société recherche aussi ses racines ; L’attachement aux traditions est palpable. Au patrimoine religieux notamment.

Un vaste chantier de préservation, valorisation, entretien, …. À monter avec les jeunes générations (via l’enseignement des métiers) et le bénévolat ? 

Point 7 : Un credo à décliner ?  

Nul ne doute que les chrétiens doivent avoir l’occasion de proclamer leur foi ensemble. Mais chacun sait que tout baptisé a sans doute son propre credo. Beaucoup soulignent que pas mal de mots des credos traditionnels ne sont plus bien comprises ou reçues. N’est-il pas indispensable d’aider des groupes chrétiens à travailler à mieux s’approprier leur foi commune par des expressions qui l’expriment en des formules davantage expressives et significatives ?   

Point 8 : Comment vivre et témoigner de l’Évangile dans une société qui change radicalement ?

Les pratiques chrétiennes traditionnelles sont largement délaissées par les générations « montantes ». Pourtant les pasteurs qui les rencontrent trouvent significativement chez eux de la bienveillance et des attentes spirituelles. Comment accompagner de façon créative et respectueuse ces cheminements ? 

Point 9 : Un Évangile vécu dans l’intégralité de l’humain ? 

La foi a souvent été transmise de manière cérébrale, sans mobiliser d’autres dimensions de la personne : le corps, le recours à l’oralité dans la transmission, la méditation ou la mystique, …. Comment rééquilibrer notre culture sur ce point ?    

Point 10 : Dialoguer avec les « païens » d’aujourd’hui ?

Chaque communauté chrétienne ne pourrait-elle pas susciter son « parvis des gentils », un laboratoire du dialogue avec les « incroyants » ou les « croyants autrement », permettant aux uns de reformuler leur foi en d’autres mots et aux autres de relativiser leurs croyances limitantes ou leurs préjugés par la rencontre de témoins.

Point 11 : Changer de culture ? 

Des siècles de culture cléricale plombent la vie des Eglises. A côté des dérives mises en exergue dans des domaines bien identifiés, d’autres pans de la vie ecclésiale méritent un débat oxygénant. L’exercice du pouvoir et le rapport à l’argent méritent aussi de la transparence dans les procédures, les décisions, … Dans ces domaines aussi, l’opacité conduit à abîmer trop de personnes.  

Point 12 : Une gouvernance polyédrique ? 

Comme le Pape François parvient à commencer à le faire, un ajustement des places respectives des différentes « catégories » de baptisés est largement souhaité, pour tendre vers une gouvernance davantage polyédrique.

Cela induit évidemment des avancées sur le plan des ministères. Les enjeux sont bien connus : place des femmes, ordination d’hommes mariés. Parfois, l’institution existe : dans la pastorale territoriale, une grande part de la demande concerne des rites de passage : baptêmes, mariages, funérailles. Pourquoi ne pas ordonner davantage de diacres pour assurer cette présence ecclésiale ? Dans pas mal de cas, leurs familles pourraient occuper les presbytères, sujet de préoccupation de la hiérarchie….   

Et maintenant ?

Priorité sera donnée par le groupe aux trois derniers points vu les thèmes du « synode sur la synodalité ». Il aborde largement ces thématiques. Vu le caractère universel de la visée et la diversité culturelle interne, cela prendra quelques dizaines d’années pour être mis en œuvre. 

Dans ce contexte, n’est-il pas légitime de lancer des idées, faire des suggestions et des propositions pour la Belgique francophone à échéance de 10 ans (2033) ?